jeudi 13 septembre 2012

Étrangère, entre deux rives


Je suis eurasienne, née d'un père métis franco-vietnamien et d'une mère chinoise.
Je suis née en France alors que mes parents n'ont pas choisi d'immigrer en Occident car ils sont réfugiés politiques.
J'ai deux prénoms français et un prénom chinois qui signifie « belle occidentale ».
J'ai été baptisée catholique mais crois à la philosophie bouddhiste.
Je n'ai pas les yeux bridés ni les pieds bandés, mais un nez pointu et des poils aux pattes.
Je parle français sans accent « tching tchong » et vietnamien avec l'accent du sud. Je bafouille un peu le chinois cantonais.  

J'aime le karaoké et la randonnée, le canard laqué, les nouilles sautées, la sauce de soja et le nuoc mam, le bo bun et le pho, le thé vert et le pu er tcha, le camembert et le vin blanc, le pain baguette et le jambon cru, le chocolat, le caramel au beurre salé et le foie gras.
Je ne mange pas de viande de chien, ni de chat, ni d'insectes ou d'autres trucs bizarres.


Mais voilà ...

Je me sens plus asiatique (75%) que européenne (25%).


J'ai reçu une éducation « à la chinoise » vu que j'ai une Maman Tigre et une flopée de Tantes Tigres.
Je cultive ma culture sino-vietnamienne et respecte les traditions séculaires de ma famille.

90% de mes amis d'enfances les plus proches sont asiatiques.
70% de mes amis et connaissances à ce jour sont asiatiques. 

Pour les Blancs, je suis Jaune.

Pour les Jaunes, je suis une Blanche (au mieux) ou « Chinoise banane » (au pire) = jaune à l'extérieur et blanc à l'intérieur.

En France, on m'appelle « la chinetoque » ou « bol de riz cantonais ».

En Chine, on m'appelle « long nez ».
Au Vietnam, on m'appelle « l'américaine » ou on me prête des origines singapouriennes, péruviennes, espagnoles, philippines, italiennes, ... Les gens sont épatés de me voir parler viet car ils pensent que j'ai pris cette langue en option à l'école !

Quand je dis « mon pays », personne ne sait de quoi je parle, vu que j'ai trois options.


Lorsque je suis ici, j'ai des envies de là-bas.

Lorsque je suis là-bas, ici me manque.
Je ne suis nulle part chez moi et pourtant, je suis de partout.

Ici ou là-bas, je suis une étrangère coincée entre deux rives.


Mes enfants le seront-ils aussi ?



22 commentaires:

  1. C'est parfois difficile de jongler entre des cultures aussi differentes et pourtant qui vous appartiennent aussi bien l'une que l'autre .
    Dis-toi que tu as la chance de connaitre tes racines alors surtout cultivent les bien .

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    1. C'est même souvent difficile de jongler entre tout ça, surtout quand tu te heurtes à l'incompréhension des gens, asiatiques ou pas. Difficile parfois de trouver le juste milieu quand tu es tiraillée comme je le suis, entre deux façons de vivre totalement différentes.
      J'essaie de mes racines cultiver au mieux et surtout de les transmettre à mes enfants. J'espère qu'ils en tireront aussi le meilleur.

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  2. Une question : tu le vis bien ou tu en souffres ? Car si tu en tires une vraie richesse et que tu ne le portes pas comme un fardeau, je pense que ce sera pareil pour tes enfants ! Sinon le bo bun et le puer tea hmmmm

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    1. C'est un grand mot de dire que j'en souffre. Comme je le disais à Reb, c'est parfois difficile de trouver sa place.
      C'est sûr que le métissage est une immense richesse, mais souvent beaucoup de contradictions.

      Et sinon, je connais un truc mieux que le pu er ... c'est le tchai latte à la cardamome verte. Une drogue .... ;)

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  3. C'est dingue, j'ai préparé un article pour la semaine prochaine qui parle EXACTEMENT de la même chose !!!! et je conclue d'ailleurs par "je suis bien partout mais je ne suis chez moi nulle part"... bien qu'à la différence de toi je me sente à 90% Française, que ma culture soit complètement Française et que je sois née en France, mon teint mate et mes cheveux noirs me trahissent systématiquement... Quelle drôle de sensation que la notre... rechercher des attaches, retrouver des repères, sans arriver à se poser... je compatis !

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    1. J'ai hâte de lire ton article ! Je pourrais faire un lien vers le tien :)

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  4. très bel article qui me touche bien sûr, compte tenu de mes origines à moi aussi... tu as beaucoup de chance d'avoir pu découvrir le Vietnam et de savoir parlé... perso, je ressens un grand vide de ne pas savoir et de ne pas connaître mes aïeuls... bizzz

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    1. Tu as déjà essayé de remonter à la source, essayé de rechercher tes aïeux ?
      Pour ma part, j'ai dû beaucoup creuser pour connaître l'histoire de ma famille maternelle. Du côté paternel, il me reste encore beaucoup de trous à combler, mais j'essaie de trouver des morceaux du puzzle petit à petit ...

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  5. J'en apprends des choses xD
    Et c'est quoi une maman Tigre??
    Des bisoux d une Corse Bretonne LOL

    D.

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    1. Pour savoir ce qu'est une Maman Tigre, tu googlise "Amy Chua, Tiger Mom" et tu verras ;)

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  6. Prendre le meilleur de chaque culture et avancer dans ta vie de femme et de mère n'est-il pas la meilleure solution?
    Tu as tant de richesses en toi à partager...
    Carpe Diem :)

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    1. C'est ce que j'essaie de faire, piocher le meilleur de chaque. Mais cela ne convient pas à tout le monde, apparemment. C'est toujours trop d'un côté ou de l'autre.
      Par contre, j'essaie de partager tout ça avec mon entourage ou les gens que je rencontre. Asiatiques ou pas, je peux leur parler de la culture qu'ils ne connaissent pas. C'est toujours l'occasion de beaux échanges et c'est génial !

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  7. Une étrangère entre deux rives, des racines qui puisent leurs ressources dans des terres bien différentes, des repères variés, des richesses diverses... Bref tu es une citoyenne du monde...un savant mélange qui donne un subtil cocktail ! Je pense que tu es ce que tu es grâce à tout cela, et que c'est ce qui fait ta richesse, ta générosité, ta curiosité et ton ouverture d'esprit ! Bref tu es toi...et bien dans tes baskets et ça ça vaut de l'or !

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    1. Merci Marion pour ces belles paroles !
      C'est ce que j'apprends à mes pimousses : ils sont tellement mélangés qu'ils sont avant tout "enfants du monde".

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  8. J'ai connu il y a quelques années 4 frères et soeurs, métisses... qui reprochaient à leurs parents de leur avoir donné naissance. Ils ne se sentaient pas chez eux dans le pays de leur maman, ils ne se sentaient pas chez eux dans le pays de leur papa...

    En lisant ton article, j'ai l'impression que tu as maintenant pas mal de clés pour faire en sorte que tes enfants se sentent "coincés" le moins possible...

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    1. Je compose tous les jours pour que mes enfants se sentent appartenir à un côté et à l'autre, en piochant dans chaque culture et dans ce que m'a transmis ma famille, ce qu'il y a de meilleur.
      Chez nous, on ne vit pas comme des Chinois ou comme des Européens. Notre façon de vivre est intermédiaire. J'espère juste très fort que cela les aidera à se sentir à l'aise partout, plus tard ...

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  9. Tu as la richesse de tes différences, tu es "sans frontière". Etre de "partout" ne signifie pas être de nulle part. Je crois résolument que l'endroit où on est chez soi n'est pas un pays ou un endroit, mais la place où on construit sa cabane et où vivent ceux qui nous sont chers. Tes enfants ont de la chance, ils auront ton regard, ce regard qui se nourrit de toutes ses racines, ils seront eux emplis de toutes ces facettes qui les constituent.

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    1. Comme tu as raison ! Mes repères sont la ville où j'ai grandi et mon port est toujours mon chez moi, ma "cabane".
      J'espère que mes enfants seront surtout emplis de tolérance envers toutes les cultures grâce à tout ce dans quoi je les baigne et qu'ils se construiront solidement avec le meilleur de tout ça.

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  10. J'ai entendu le même genre de discours pour les enfants franco-japonais comme les miens : au Japon ils sont "Gaijin" (étrangers) et ici ils sont japonais...
    J'ai quand même l'impression qu'en France nous sommes plus ouverts (ou habitués aux mélanges !), mais nous habitons dans le 93 dans une ville ou l'immigration est forte cela aide surement pour que personne ne se sente plus étranger que l'autre... Tous français, tous métissés :-p

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    1. Pour avoir côtoyé le monde japonais, je comprends tout à fait ce que tu dis. Les Japonais ont beaucoup de qualités, mais pas tant de tolérance que ça vis-à-vis de ce qui est différent (à part peut-être les générations à partir de la nôtre).
      Il est vrai qu'en France, nous avons plus de tolérance et d'ouverture d'esprit. Et puis, de nos jours, qui peut encore se revendiquer "Franco-français pure souche" ? A mon avis, très peu ...

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